Le tatouage : l’exposition tatoueur tatoué
Mar
2015
Le mondial du tatouage 2015 organisé à la Villette par le célèbre tatoueur Tintin est l’occasion de revenir sur l’exposition tatoueur tatoué au musée du quai Branly que j’ai vue il y a un petit moment déjà.
Le tatouage, voici quelque chose de fascinant. Ce truc douloureux de rebelle m’a toujours fasciné. C’est pourquoi, j’y suis allée, histoire de savoir ce que le musée du quai Branly pouvait bien raconter sur cet « art » qui ne m’en semblait pas un.
Et bien, en fait, le tatouage avant d’être artistique est hautement culturel, et sa place dans ce musée des arts et civilisations est hautement justifiée. On retrouve des traces du tatouage au IV siècle avant JC. L’exposition est organisée géographiquement et retrace l’histoire, origine, signification, rôle aspect du tatouage dans toutes les tribus, pays, du monde, où il a été pratiqué.
La tatouage chez les marins
Quand on parle de tatouage, qui ne pense pas à un loup de mer avec une vieille ancre tatouée sous le bras? Et bien ce n’est pas qu’une image d’Epinal.
Un marin tatoué parle à ses compagnons d’équipage. A l’occasion de leur départ en mer, les marins se faisaient souvent un premier tatouage.
Le tatouage pour contrôler
Dans les année 60 l’armée française veut contrôler les déplacements des populations Kabyle (Algérie). Il procède donc à un recensement, et le photographe Marc Granger, pourtant opposé à la guerre, est envoyé pour réaliser des photos d’identité des habitants. Au delà de l’aspect purement administratif, ces images sont une mémoire du tatouage traditionnel, en voie de disparition dans cette région, mais aussi un témoignage de leur protestation muette.
J’aime cette photo. J’aime le défi et la provocation dans le regard de cette femme. L’exposition ne montre que quelques unes des photos de Marc Granger, mais j’ai eu l’occasion de voir l’ensemble de son travail qui est magnifique.
Tatouage d’excentriques
Djita Salomé était une star du side show allemand surnommée « la polychromie vivante en 14 couleurs »
Lady Viola à gauche sur la photo tout en haut était une artiste qui collectionnait les tatouages de stars depuis Charlie Chaplin jusqu’au président Lincoln. Une sorte d’excentrique, mais au moment où les femmes ne servaient encore qu’à curer leurs gosses et à faire la cuisine, quelle liberté !
Le tatouage au japon : symbole d’un corporatisme
L’art du tatouage au japon était étroitement lié à l’art des estampes. Les maitres tatoueurs étaient souvent des graveurs sur bois qui puisaient leurs thèmes dans le riche corpus iconographique des estampes polychromes, et qui reproduisaient les tableaux des grands maitres.
Au Japon le tatouage a une place très importante. Il était le symbole des pompiers, mais aussi des artisans, des charpentiers, portefaix et malfrats. Le tatouage était la revendication d’une identité pleine de bravoure et de courage. Il fut par la suite abusivement assimilé à la pègre.
Dans la ville d’Edo (ancien nom de Tokyo) où les incendies susceptibles d’embraser les maisons de bois et de papiers sont une menace permanente, les pompiers sont considérés par la population comme de véritables héros, ce qui en fait des personnages récurants dans le théâtre populaire : le Kabuki. Il arborent des tatouages qui leur recouvre le dos et le bras, symbole de leur identité corporatiste. Lorsqu’ils jouent le rôle d’un personnage tatoué, les acteurs du théâtre Kabuki, s’habillent d’un vêtement de scène sur lequel sont reproduits les motifs du tatouage (image ci-dessus), lorsqu’ils ne l’ont pas fait peindre directement sur leur peau.
Dans ma logique, c’est plutôt le tatouage qui vient imiter le vêtement, mais j’adore l’idée inverse de l’habit « tatoué ».
Je trouve ce tatouage très beau. La teinte naturelle de la peau est utilisée en réserve comme une couleur.
Le tatouage en Thaïlande : Hautement symbolique
Ce tatouage-là m’a étonnée par sa singularité. La Thaïlande a aussi une tradition du tatouage extraordinaire. Il joue le rôle d’un talisman. Leur caractère magique protège contre les balles et la maladie…et est activé par une incantation du tatoueur. Son système est complexe et prend sa source dans l’animisme traditionnel, le brahmanisme et le bouddhisme. Tombé en désuétude après la longue influence de missionnaires européens, il fait l’objet d’un regain de foi grace à sa médiatisation par des célébrités comme Angelina Jolie.
Le tatouage d’identification d’une femme Arménienne
Le tatouage a aussi été utilisé dans les pires périodes de l’histoire pour marquer les hommes. On sait que des numéros étaient tatoués sur chaque prisonnier juif pendant la deuxième guerre mondiale. Dans les années 20 lors du génocide arménien, certains ont réussi à fuir en Syrie. Ils étaient alors tenus en esclavage ou contraints à la prostitution. Pour les identifier et prévenir de leur évasion, on les tatouait.
Le tatouage aux Philippines : un symbole guerrier
En Indonésie certaines populations comme les Kalinga sont restées attachées à la pratique du tatouage. Le tatouage était lié aux pratiques animistes, et à la chasse à tête. La chasse à tête est une pratique ancestrale qui consiste à tuer des inconnus, et à ramener leur tête comme un trophée. Pour chaque tête ramenée, le guerrier avait le droit à un nouveau tatouage. Aujourd’hui, quelques rares tatouages persistent, mais la pratique de la chasse à tête à complètement disparu.
J’aime beaucoup ces tatouages Kalinga, on dirait le haut d’un vêtement. La série de photos réalisées par Jake Verzsoza est très belle, les tatouages sont tous identiques.
Bref, c’est une belle expo., très complète, très riche que je vous conseille vraiment d’aller voir. Elle prend fin le 18 octobre 2015.
Image tout en haut à gauche : Lady Viola – 1928 – Etats-Unis
Image de droite : corps en cire tatoué par Tintin, grand tatoueur admiré par son style hyperréaliste