Les foulards d’Ania
Juin
2018
Je vous présente dans cet article une talentueuse créatrice de foulards que j’ai découverte par hasard : Ania Axenova. C’est plutôt rare que je découvre un univers qui me plaise autant, je l’ai donc contactée pour lui demander si elle voulait bien répondre aux questions suivantes.
Cela m’a fait rire, car j’ai pu voir à travers son interview qu’elle était aussi douée pour se vendre que moi:-) Hier encore, on m’a dit que mon bracelet était joli, et au lieu de tendre ma carte de visite, j’ai souri bêtement en mode « on parle d’autre chose ». Cela serait si bien si on pouvait être créatif et bon commercial à la fois.
Voilà, n’hésitez pas à lire l’interview et à aller faire un tour sur son site !
-Qui êtes vous ?
Je m’appelle Ania et je suis née à Moscou. Il y a dix ans, j’ai quitté ma carrière de Directrice Artistique au sein d’un magazine lifestyle en Russie pour reprendre mes études, en France, à Aix-en-Provence. J’ai ensuite continué ma route, et suis maintenant DA freelance dans la ville de mes rêves, à Paris. Il y a un an et demi, j’ai troqué l’élégance et la brillance parisienne contre le soleil et la douceur niçoise, où je vis et travaille depuis.
-Quel est votre parcours ? (étude, école d’art de dessin, travail ??)
Artistiquement parlant, j’étais autodidacte jusqu’à mon arrivée en France à l’âge de trente ans. Pour vous dire, mon premier diplôme en Russie était destiné à me faire travailler dans une banque. Cela n’a pas marché, j’ai tenu 2 mois, pour ensuite tout plaquer. C’est en France que j’ai repris les études, et entrepris une formation artistique. Aujourd’hui, j’ai un Master de Concepteur en Communication Visuelle et un diplôme de Designer Textile, et je gagne ma vie en tant que Directrice Artistique freelance.
-Quand avez vous monté votre marque et pourquoi ? (Pourquoi les foulards ?)
J’ai toujours été passionnée par la mode et la couture, je confectionne quasiment tous mes habits depuis mes 18 ans. Néanmoins, cela restait très personnel, pas plus qu’un hobby jusqu’au moment où j’ai compris, pendant mes cours de Design textile, que je pouvais aussi créer mes propres tissus ! Je suis une grande amoureuse de tissus, pour ne pas dire maniaque.
À part cela, frileuse par nature, je m’emmitouflais continuellement dans de grandes écharpes ou d’immenses foulards, et j’ai bien souvent été confrontée à un problème de style : choisir que ce soit chaud mais moche ou que ce soit beau mais froid.
Et puis un jour, la réponse fut évidente : j’ai décidé de dessiner une collection de châles.
Je les voulais grands, pour pouvoir bien s’envelopper dedans, en pure laine pour être chauds, et, le plus important : je voulais créer des dessins qui seraient beaux sous n’importe quel angle, que le châle soit porté en boule ou soigneusement plié, qu’il soit toujours agréable à regarder. Pas juste des foulards « tableaux » à contempler posés à plat, mais de vrais habits qui racontent une histoire.
Ainsi, deux ans plus tard, après des milliers de dessins jetés à la poubelle et des centaines d’essais d’impression – trouver LE bon tissus, LE bon imprimeur, réussir à avoir les couleurs les plus justes sans renoncer au choix de la laine comme toile d’impression – en automne 2016, les premiers châles “Ania Axenova Paris” ont vu le jour, à Paris.
-Comment passez-vous de l’idée au foulard fini ?
Tout commence par une idée. J’aime raconter des contes à travers mes dessins. Par exemple, dans la première collection de châles, je voulais raconter l’histoire d’une pie parisienne, amoureuse de bijoux, succombant aux souffrances du lèche-vitrine place Vendôme. Ainsi, la “Chasseuse de trésors” est née. Les pies survolent le feuillage, comme emprisonnées dans un immense cadre de bijoux, ornant le châle.
-Comment faites vous vos dessins ?
Tous mes motifs sont créés à la main : les dessins crayonnés sont mis au propre à l’encre de Chine sur du papier fin. Ce procédé est plus long que le travail sur l’ordinateur, mais il offre une légère irrégularité des traits qui rend le dessin vibrant, presque vivant.
La création de chaque modèle peut prendre plusieurs jours ou semaines, en fonction de sa complexité, de l’inspiration, de la motivation ou de l’alignement des planètes !
Pour trouver mes gammes de couleurs, je m’inspire de la beauté alentour : cela peut être une affiche dans le métro, une peinture dans une cathédrale, une femme assise à la table d’un café, un bouquet de fleurs, une porte joliment éclairée…
-Comment travaillez-vous ?
Une fois le dessin réalisé, il est scanné et commence alors la préparation des fichiers pour l’imprimeur. Ici, mon métier initial m’aide beaucoup : je m’occupe moi-même de la séparation de couleurs et de tout le côté technique. Une fois les premiers prototypes reçus, je travaille avec mon imprimeur suisse pour ajuster des couleurs. Le vrai challenge est de garder la finesse du détail et la précision des couleurs en passant du papier à la laine…
Mais grâce à la fameuse minutie suisse, on y arrive ensemble. Néanmoins, ce processus prend beaucoup de temps.
–Travaillez-vous seule ?
Pour la plupart des tâches, ce projet est un “one man show”. Je crée les dessins, je m’occupe de la couture de mes châles, je fais les shootings-photos, je design mon site, ainsi que toute la papeterie et le packaging, et bien sûr, j’effectue les envois de commandes, sans parler de ma communication sur Instagram, qui prend beaucoup de temps. J’ai une chance énorme d’avoir ma moitié qui est de la même profession, mais en plus d’être Directeur artistique, il fait du développement. Ainsi, en plus de me porter conseil et de me soutenir constamment pendant mes crises, il s’occupe du développement de mon site.
-Pouvez-vous nous parler des matières et de la fabrication ?
Malheureusement, aucun imprimeur français n’a voulu imprimer sur la laine, la soie étant beaucoup plus répandue et facile pour les machines numériques. Par conséquent, tous mes châles en laine sont imprimés dans un petit village en Suisse, pour ensuite être cousus en France par mes soins, dans mon mini-atelier ici, à Nice. En ce qui concerne les foulards en soie, ils sont également imprimés en Suisse, et les bords sont roulottés sur place. Je confectionne moi-même les lavallières et les trousses de soie. Quant aux soies et lainages, ils proviennent d’Italie, c’est mon imprimeur chéri qui se charge de l’approvisionnement.
-Comment voulez-vous développer votre marque ?
Depuis quelques semaines je développe un petit studio de sérigraphie chez moi ! Ça s’annonce particulièrement bien, donc j’espère pouvoir enrichir ma collection de modèles imprimés à la main très bientôt. Stay tuned =)
-Où peut-on trouver vos foulards ?
Pour l’instant, je ne vends que via mon site Internet. Grâce à mon compte Instagram, mes châles et foulards volent un peu partout dans le monde : France, États-Unis, Italie, Espagne, Russie, Grande-Bretagne, Canada.
J’espère un jour vendre en boutiques, mais j’avoue, la distribution n’est pas mon fort. Il faudra que je m’en occupe.
-Que préférez-vous dans votre métier ?
Clairement, c’est la partie créative. J’adore dessiner de nouveaux modèles et inventer les histoires qui vont avec. Et puisque je suis très “arts & crafts”, j’adore tout le travail manuel, en partant du dessin au développement de nouvelles techniques, la couture, la broderie, la sérigraphie, le choix de tissus, le packaging etc.
-Qu’est-ce qui est le plus difficile ?
Sortir de ma grotte ! =)
Plus sérieusement, je suis loin d’être ce que l’on appelle une “personne sociable” et ce n’est sûrement pas très pratique pour quelqu’un qui veut lancer sa marque. Pour tout vous dire, parfois je n’arrive même pas à avouer que c’est moi qui ai dessiné le châle que j’ai sur les épaules, quand on me fait des compliments. Alors vous imaginez bien que pour sortir ma carte de visite, c’est encore pire !
-Avez-vous d’autres passions en dehors de votre métier ?
Lecture-lecture-lecture, déco, plantes, céramiques (j’en fait et j’en collectionne). En plus de ça, ces derniers temps, je m’investis beaucoup dans la broderie. J’ai découvert un outil de la broderie traditionnelle, qui est le crochet de Lunéville et ça me donne beaucoup d’idées. Je rêve un jour de faire un châle entièrement brodé à la main, de la pure folie !
Et voici une photo d’Ania avec une de ses Lavallière.